L’outrage des ans

En juillet,
Se réunissaient les décombres de la famille
Pour un rituel qui les faisait croire
À eux-mêmes.

Ils achetaient,
À la boutique de produits importés,
Beaucoup de hors d’œuvre, des olives noires, du vin de muscat,
Du pâté, du corned beef, une bouteille de brandy, et une autre de whisky écossais,
Le petit autocar modèle années cinquante les conduirait au fleuve,
Avec ses pierres comme des œufs venus du début du monde
Et ils cuisinaient un bon pot-au-feu avec des grosses bananes vertes
Et de grands morceaux de viande finement tranchée.

Les gosses, deux filles, trois garçons,
Attendaient l’ordre pour sauter à l’eau.

Et lui mourait de peur en voyant comment son père le lançait
Au creux des tourbillons.

C’était le bon temps,
Avec l’anis il y avait la musique des cordes et des chansons du pays.

Elles paraissaient heureuses.

Eux aussi.

C’était, pourtant, le temps de la misère.

Au dehors le monde, tournait comme à vide.

Traduit par René Gouédic